Le mot "philosophe" vient du grec philosophos, littéralement "l’ami du savoir", philo signifiant "aimer" et sophia "la sagesse". Contrairement au sophos, le sage qui posséderait le savoir, le philosophe est celui qui cherche, qui désire, qui interroge. Ce n’est pas un maître de vérité, mais un éternel apprenti.
Faire de la philosophie, ce n’est donc pas posséder la vérité, mais se mettre en route vers elle – sans garantie d’arrivée. La philosophie est une quête, une marche, parfois un labyrinthe. Elle peut commencer par un “étonnement” (cf Aristote) une inquiétude, un doute, un trouble dans la surface tranquille des certitudes. Elle commence lorsque l’on ose dire : je ne sais pas.
Socrate, ce père fondateur de la pensée occidentale, n’a laissé aucun écrit. Et pour cause : il ne prétendait pas enseigner des vérités, mais aider les autres à penser par eux-mêmes. Sa seule certitude ? « Je sais que je ne sais rien. »
Cette ignorance, qu’elle soit sincère ou stratégique, ouvre l’espace de la pensée. Car tant que l’on prend ses opinions pour des vérités, on se prive de toute progression intellectuelle.
Reconnaître qu’on ne sait pas, c’est déjà franchir la première étape vers l’acces à la vérité.
Mais cette quête et cette humilité devant la vérité ont un prix. En effet, à peine une question semble-t-elle résolue que de nouvelles, plus profondes et plus vertigineuses, surgissent.
Chaque réponse en philosophie se transforme en question. C’est un peu comme si l’on grattait une surface pour voir plus clair, et que l’on découvrait sous la première couche tout un réseau de galeries inexplorées menant vers une hypothétique vérité.
La notion de vérité, d’ailleurs, n’a jamais fait consensus dans l’histoire de la philosophie.
Les sceptiques de l’Antiquité considéreraient même que cette dernière était inaccessible pour les Hommes.
Idem pour Kant, mais concernant uniquement certaines questions métaphysiques – comme Dieu, l’âme – .
Nietzsche allait plus loin encore : pour lui, la vérité n’étant qu’une illusion.
Partant de là, et ça dire que la philosophie serait inutile ? Qu'il faudrait renoncer à la philosophie car cette dernière serait une source de frustrations et d'insatisfactions ?
Assurément, non ! Car ce serait là se priver de l'opportunité de vivre intensément notre existence.
John Stuart Mill, philosophe du XIXe siècle, écrivait que du point de vue du bonheur, il valait mieux " être Socrate insatisfait qu’un porc satisfait”
Pourquoi ? Parce que le fait de penser - même si cela pouvait occasionner de l'insatisfaction, des angoisses - cela pouvait aussi donner l'occasion de vivre plus profondément et de manière plus consciente, lucide son existence.
Alors oui, philosopher, c’est s’exposer à l’inconfort. C’est accepter de ne jamais avoir le dernier mot. C’est vivre avec des questions qui ne se résoudront peut-être jamais.
Mais c’est aussi s’ouvrir à une forme de vie plus consciente, plus libre.
Et si cela nous condamne à une certaine insatisfaction, c’est peut-être le prix à payer pour une vie humaine plus complète.

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