Le Prix De La Dignité
Dans un recoin oublié du monde, où la poussière collait aux âmes plus qu’aux corps, Samuel était né.
Son berceau, c’était une case de terre battue, fissurée par les saisons cruelles.
Ses premières berceuses furent le souffle âpre du vent contre les toits de chaume, et les soupirs résignés des mères parlant de lendemains toujours incertains.
Dans son village, Samuel regardait les autres enfants enfourcher de vieux vélos cabossés, rire sur le chemin de l’école, courir avec des cartables déchirés mais remplis d’espoir.
Lui n’avait ni vélo, ni cartable, ni même de quoi rêver sans douleur.
Pendant que les autres traçaient leurs premières lignes d’écriture, Samuel, à peine haut comme trois pommes, accompagnait Maman Zara dans la brousse, ramassant des fagots de bois sous le soleil brûlant.
Ils vendaient ces morceaux d’arbres arrachés à la terre pour acheter quelques poignées de mil, un peu d’huile, parfois rien du tout.
Il avait compris très tôt une vérité brutale :
Ici, naître était déjà perdre.
En Afrique, disait-on, la vie te menait déjà 1 à 0 au premier souffle. Si tu n’allais pas à l’école, 2 à 0. Si tu naissais dans la pauvreté, 3 à 0. Et pour égaliser, il ne suffisait pas de courir, il fallait se battre comme un lion affamé.
Samuel n’en voulait à personne, il ne pleurait pas non plus.
Il observait, il encaissait, il s’imprégnait de chaque injustice comme on apprendrait une langue étrangère.
Dans son silence, il jurait que son histoire ne se terminerait pas comme celle de tant d'autres, enterrés vivants dans l’oubli du monde.
Sa mère lui répétait souvent, serrant ses mains calleuses entre les siennes :
- Mon fils, nous sommes pauvres, mais nous avons encore ce que certains riches ont perdu,"la dignité."
Samuel buvait ces paroles comme une eau rare.
Elles étaient son armure contre la honte, son arme contre l’abandon.
Il ne savait pas encore comment, ni quand.
Mais il savait une chose :
Il se battrait pour sa place sous le soleil, jusqu’à son dernier souffle.
Et sans le savoir, il entamait déjà son plus grand combat.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire