Conclusion sur L’Apologie de Socrate
L’Apologie de Socrate de Platon n’est pas seulement le récit d’un procès injuste. C’est une déclaration de vie philosophique, un testament spirituel, et une critique profonde des valeurs de la société athénienne. Par ses paroles, Socrate ne cherche ni à plaire, ni à émouvoir, ni à obtenir l'acquittement. Il cherche à rappeler aux Athéniens, et à l’humanité entière, que le bien de l’âme vaut plus que la vie elle-même.
Durant son procès, Socrate affirme qu’il ne craint ni la mort ni la condamnation. Ce qu’il craint, c’est le mal moral, c’est-à-dire agir contre sa conscience, trahir la vérité, ou renoncer à sa mission divine. Pour lui, la mort est une inconnue, et craindre ce qu’on ne connaît pas est le signe d’une fausse sagesse : « Craindre la mort, ce n’est rien d’autre que croire que l’on est sage alors qu’on ne l’est pas. »
Il se distingue ainsi de ses juges et de ses accusateurs : eux prétendent savoir, lui reconnaît qu’il ne sait pas. C’est là que réside la véritable sagesse socratique. La grandeur de Socrate ne tient pas à l’étendue de son savoir, mais à la rigueur de son exigence intérieure : ne jamais faire semblant de savoir ce que l’on ignore et toujours chercher le juste, même contre l’opinion dominante.
Socrate se compare à un taon piquant un cheval lent : sa tâche est d’éveiller Athènes, de la secouer, de la pousser à l’examen d’elle-même. Il se donne pour mission d’interroger chacun sur la justice, la vertu, le sens de la vie, et non de transmettre des doctrines. Il ne prétend rien enseigner au sens classique du terme ; il pousse simplement les hommes à penser par eux-mêmes, à se connaître, à se remettre en question.
En cela, il apparaît comme le modèle du philosophe, au sens fort du mot : non pas un professeur ou un intellectuel, mais un homme entièrement tourné vers la vérité et le soin de l’âme. Sa vie est toute entière en cohérence avec sa pensée. Il vit dans la pauvreté, ne demande aucun salaire, ne cherche ni gloire ni pouvoir. Il est, selon ses propres mots, « donné par le dieu à la cité », comme un gardien du bien, un aiguillon envoyé du ciel.
Son refus d’abandonner la philosophie, même au prix de sa vie, fait de lui un héros moral. Il affirme que même si les juges l’acquittaient, à condition qu’il cesse de philosopher, il désobéirait. Car il obéit à une autorité supérieure : celle de l’oracle de Delphes et de la voix intérieure de sa conscience, qu’il appelle son « démon » (ou daimonion). Cette fidélité à une vocation supérieure illustre la priorité de la justice sur toute forme de compromis.
Socrate ne se défend pas pour lui-même. Il le dit explicitement : « Ce n’est pas pour moi que je parle, c’est pour vous. » Car il craint que les Athéniens, en le condamnant, ne se rendent coupables d’un plus grand mal que celui qu’ils prétendent empêcher : rejeter un homme juste envoyé par les dieux. Il les avertit qu’ils ne trouveront pas facilement un autre homme comme lui, si dévoué au bien commun.
Cette idée, apparemment arrogante, est en réalité une preuve de sa conviction religieuse et morale. Socrate ne prétend pas être un homme exceptionnel par orgueil, mais parce qu’il croit que Dieu l’a chargé d’une mission. Sa manière d’être est un service à la cité. Il agit non pour lui-même, mais pour le bien spirituel de ses concitoyens.
À travers l’Apologie, Platon montre que la vraie liberté n’est pas de faire ce qu’on veut, mais de rester fidèle à la vérité, quelles qu’en soient les conséquences. La liberté de Socrate est intérieure, indestructible. Ses chaînes ne l’atteignent pas. Même la menace de la mort ne peut l’empêcher d’agir selon le bien. Il est libre, car il est juste.
Cette œuvre pose aussi une question fondamentale, toujours actuelle : que vaut une société qui condamne ses sages ? Athènes, pourtant réputée pour sa démocratie et sa grandeur intellectuelle, se laisse entraîner par la peur, la jalousie, les intérêts politiques. Elle sacrifie Socrate à cause de sa différence. L’Apologie dénonce donc aussi les dérives possibles de la majorité quand elle devient injuste, quand elle préfère le confort à la vérité.
En condamnant Socrate, Athènes perd bien plus qu’un homme : elle perd une conscience vivante, une voix critique, un remède contre l’orgueil collectif. C’est ce que Platon cherche à faire comprendre : le vrai danger ne vient pas de ceux qui dérangent, mais de ceux qui se taisent.
La force de l’Apologie tient donc dans son actualité permanente. Aujourd’hui encore, dans un monde souvent dominé par l’apparence, la compétition, la richesse ou le pouvoir, Socrate nous rappelle une vérité essentielle : la valeur d’une vie se mesure à l’attention qu’on porte à son âme. Le but n’est pas de réussir, mais de devenir meilleur, plus juste, plus vrai.
Enfin, Socrate nous enseigne une chose capitale : il vaut mieux subir l’injustice que la commettre. C’est là sa dernière leçon. Mourir injustement n’est pas un mal si cela permet de rester en accord avec soi-même, avec sa conscience, avec le bien. C’est pourquoi sa mort n’est pas une défaite, mais un triomphe de l’esprit.
L’Apologie de Socrate est bien plus qu’un plaidoyer : c’est un cri de vérité, un chant de fidélité à la philosophie, un acte de résistance spirituelle.
Socrate nous laisse ce message intemporel :
> « Ce n’est pas la richesse qui engendre la vertu, mais c’est la vertu qui engendre la richesse et tout bien pour les hommes, et pour la cité »

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire